Un billet du soir ? Ce site serait-il en train de devenir un blog ?! Surprenant. Ou peut-être pas.
Première question qui me vient à l'esprit : pourquoi un billet ? Vais-je y parler politique ? Religion ? Littérature ? Sociologie ?
Probablement rien de tout ça. Ou d'un peu tout à la fois. En fait, je me fiche un peu de ce que je vais dire. Par contre, je mentirais en disant que je n'ai rien à faire de mon lectorat. Pour être exact, s'il est nul (au sens d'absent) ou anonyme, je ne serais pas inquiet. Mais comme je sais que de plus en plus de gens que je connais "dans la vraie vie" y passent même occasionnellement, j'avoue être retenu par une certaine pudeur.
Je ne sais même plus vraiment ce que je voulais dire au début. Il faut dire que plus de deux heures séparent les premiers mots de ce billet et les lettres que vous êtes en train de lire (enfin, à défaut d'être certain, je devrais dire "que je suis en train d'écrire). Ohooo, je crois que tout ceci me guide vers un sujet assez amusant (en tout cas pour moi) : pourrait-on appliquer de façon grossière la théorie du chat de Schrödinger à l'écriture ?
Je m'explique... si l'on en croit l'expérience théorique décrite par Schrödinger, c'est (je schématise grossièrement pour ceux qui ne connaissent pas du tout - je ne suis pas du tout un spécialiste de la physique quantique, c'est même quelque chose d'assez dur à concevoir pour moi) le fait même de l'observation qui est déclencheur de la validité d'un fait. Entre deux éléments observés, la mécanique quantique détermine un état inconnu. Que dis-je inconnu ! Bivalent ! Pauvre chat de Schrödinger, à la fois vivant et mort !
Je propose donc l'expérience suivante : soit un programme informatique avancé destiné à rédiger des nouvelles littéraires ou poétiques (la théorie des graphes nous permet de définir des automates assez développés pour concevoir des logiciels de ce type - même s'ils sont loin d'être parfaits) lié à du papier électronique, lui-même muni d'une petite caméra et de capteurs sensitifs. J'omets volontairement la question de savoir si le programme est un écrivain ou pas : je le définis en tant que tel cas il est créateur, à partir d'un ensemble de règles qui définissent une langue (à partir même d'un historique littéraire - il est possible de faire ingurgiter au dit programme l'intégrale de Jules Verne et Pierre Desproges) d'un élément nouveau et original.
Le programme est donc paramétré pour d'un côté suivre le regard du lecteur, anticiper ses mouvements oculaires, analyser ses réactions visuelles, tenir compte des informations de pression et d'humidité qu'il peut percevoir via les petits capteurs disposés sur le papier électronique et d'un autre côté écrire une nouvelle de façon quasi-instantanée en prenant en compte l'ensemble des paramètres pré-cités. Il est aussi indiqué que le programme n'a d'autre périphérique de sortie que le papier électronique.
De cette façon, seul l'observateur détermine le fait que la nouvelle est rédigée. Mais peut-on en être certain ? En l'absence d'observateur, le programme ne va-t'il pas écrire une nouvelle originale à destination du "rien" ? Nul ne le sait, personne ne peut en avoir le coeur net, car il suffirait de se pencher sur le papier pour que celui-ci répondre à l'information que, passivement, nous lui offrons.
J'entends déjà les puristes de la mécanique quantique dire que "ça n'a rien à voir". J'entends aussi les électroniciens (que je pense bien connaître) dire que l'on peut, par "écoute" magnétique, savoir ce que fait le programme, ou en tout cas déterminer s'il est ou non en activité. C'est bien pour ceci que j'ai défini le postulat d'unique périphérique de sortie. Et quand bien même l'on pourrait "sonder" l'appareil ainsi créé, le silence n'est-il pas déjà musique ? Pourquoi l'absence de mots ne serait pas littérature ?
Je le concède, mon raisonnement est un peu alambiqué, mais, plus que la situation originale que je présentais, je voulais attirer le lecteur sur le fait que, sans lui, un écrit n'existe pas. Ou alors pour l'auteur, qui en est alors le premier lecteur.
Tout ceci pose aussi d'autre problématiques qui ont été abordées par des personnes bien plus cultivées que moi. En particulier Jorge Luis Borges et Umberto Eco. Ce dernier a d'ailleurs écrit deux ouvrages particulièrement intéressants (et facilement abordable par le néophyte) sur le rapport entre le lecteur et le récit. Ces deux ouvrages sont L'oeuvre ouverte et Les limites de l'interprétation.
Voilà, tout ça pour vous dire que ça y est, je me souviens de ce dont je voulais parler au début. Mais que je ne vais pas dire ce que c'est, par pur jeu créatif. Je me délecte à l'avance de savoir que si jamais quelqu'un prend le courage de lire la présente note, elle se retrouvera forcément (même quelques secondes) dans la situation de se demander ce que ça pouvait être. Et j'aurais ainsi réussi à stimuler votre créativité pour un instant.